Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/52

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36 D I A L 0 G U E S. 11. — RACINE ET·BOSSUE1'; ` » Rossum. Je récitais tout a l’heure, mon cber Racine, quelques- uns de vos vers que` je n’ai pas oubliés. Je suis enchanté de la richesse de vos expressions, de la vérité de votre pin- ceau et de vos idées, de votre simplicité, de vos images, et meme de vos caracteres, qui sont si peu estimés, car je leur trouve un tres-grand mérite, et le plus rare, celui d’etre pris dans la nature. Vos personnages ne disent jamais que ce qu’ils doivent, parlent avec noblesse, et se caractérisent sans affectation. Cela est admirable *. · ` • BAGINE. Je DB suis pas surpris que vous m°a.imiez uu peu. Je V0us ai toujours admire; vous aviez le genie poétique et I' inven- tion dans Yexpression, qui est le talent que mes ennemis meme sont obligés de m’accorder. ll y a plus d’impétuosité et de plus grands traits dans vos ouvrages que dans ceux des plus grands poetes’. Padmiration des anciens avec uneardeur qui prometa la llttérature francaise une nouvelle époque de genie et de gloire. Je pourraia citer des traductiona et des ouvrages originaux, ou l’on retrouve les graces et le cliarme du génie antique. On a banni de la prose cette pompe indigente de paroles, cette recher- che puérilc d’antitbeses, cette aifectation —du bel esprit qui déshonorait, il n’y a pas encore longtemps, meme les productions de quelques membres de l’Aca- demic. On s’eat également débarjrassé de cette séchsresse que l’esprit d’analyae, porté al’excés, avait introduite dans notre littérature. Il ne faut pasconfondre cet abus de Panalyse avec l’esprit vraimentphilosophique, dont aucun genre ne peut se passer :c’est lui seul qui peut donner de la force au raisonnement, de la justesse aux idées. Sans son secours, Pimagination ne produirait que des monstres semblables a celui que nous dépeint Horace dans les premiers vers de l’épltre aut Pisons. Montaigne, Boileau, Moliere, La Fontaine, Vol- taire, Montesquieu, Rousseau, ont allié l’esprit pbilosophique A l’ima.giua— tion, et l’on ne voit pas que l’un ait jamais nui afautre. On peut abuser de l’esprit philosophique comme on abuse de Pimagination et des meilleures choses; mais, apres tout, il faudra toujours en revenir a cet axiome d’un pbéte philosophe : ¤ Le bien penser esl la source du bien ecrire. ¤• — S. ¤ Voir, dans les Ré/lexione critiques cur quelqucs poélet, le parallele entre (lorneille et Racine. —-G. ’ ¤ Voir la Maaime 350% -·- G.