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Page:Venard - Memoires de Celeste Mogador - vol 1 1858.djvu/23

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Un soir, à minuit, G… rentra pris de vin, vint à mon lit, m’ôta ma couverture, et comme ma mère lui disait : « Mais tu es fou de réveiller ainsi cette pauvre enfant et de la découvrir ; il gèle. » G… entra dans une rage féroce, prit ma mère par le milieu du corps, et la jeta dans l’escalier. La tête de ma pauvre mère alla se heurter à un angle. Elle fut inondée de sang. Elle eut le courage de remonter, de me prendre dans ses bras, en lui disant : « Si vous touchez un cheveu à ma fille, je vous tue. »

Nous avions à peine descendu deux étages, qu’elle tomba en m’entraînant dans sa chute.

Le froid, la peur, la douleur, m’avaient causé un évanouissement complet. Nous serions mortes là toutes deux, si un menuisier, qui demeurait dans la maison, n’avait ouvert sa porte.

Sa première pensée fut de nous faire entrer chez lui, mais il était garçon. Réfléchissant qu’on pouvait faire des conjectures, il pensa qu’il valait mieux nous mettre on lieu de sûreté. Il fut décidé que nous attendrions le jour au poste.

Lorsque je revins à moi, j’étais dans un fauteuil, bien entortillée dans une capote militaire. J’avais près de moi un soldat, qui réchauffait mes mains dans les siennes. On avait pansé les blessures de ma mère ; elle reposait.