Page:Verhaeren - Émile Verhaeren, 1883-1896, 1896.djvu/52

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Aux vieux palais publics, d’où les échevins d’or
Jadis domptaient la ville et refoulaient l’effort
Et la marée en rut des multitudes tortes,
On pénètre, cognant et martelant les portes ;
Les clefs sautent et les verrous ;
Des armoires de fer ouvrent leurs trous,
Où s’alignent les lois et les harangues ;
Une torche les lèche avec sa langue,
Et tout leur passé noir s’envole et s’éparpille,
Tandis que dans la cave et les greniers l’on pille
Et que l’on jette au loin, par les balcons hagards,
Des corps humains fauchant le vide avec leurs bras épars.
 
Mêmes fureurs dans les églises :
Les verrières, où des vierges se sont assises,
Jonchent le sol et s’émiettent comme du chaume ;
Le Christ, rivant aux murs sa mort et son fantôme,
Est lacérée et pend, comme un haillon de bois,
Au dernier clou qui perce encor sa croix,
Le tabernacle, où sont les chrêmes,
Est enfoncé, à coups de poings et de blasphèmes ;
On soufflette les Saints près des autels debout
Et dans la grande nef, de l’un à l’autre bout,