Page:Verhaeren - Émile Verhaeren, 1883-1896, 1896.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Telle une neige — on dissémine les hosties
Pour qu’elles soient, sous des talons rageurs, anéanties.

Tous les joyaux du meurtre et des désastres,
Étincellent ainsi sous l’œil des astres ;
La ville entière éclate
En pays d’or coiffé de flammes écarlates ;
La ville, au fond des soirs, vers les lointains houleux.
Tend sa propre couronne énormément en feu ;
Toute la nuit et toute la folie
Brassent la vie, avec leur lie,
Si fort, que par instants le sol semble trembler
Et l’espace brûler
Et les râles et les effrois s’écheveler et s’envoler
Et balayer les grands cieux froids.

— Tuer, pour rajeunir et pour créer
Ou pour tomber et pour mourir, qu’importe !
Dompter, ou se casser le front contre la porte !
Et puis — que son printemps soit vert ou qu’il soit rouge —
N’est-elle point dans le monde toujours.
Haletante, par à travers les jours,
La puissance profonde et fatale qui bouge ! —

(LES VILLES TENTACULAIRES).