Aller au contenu

Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
œuvres de émile verhaeren


Ils gloutonnaient à bouche pleine,

Leur pain compact
Réglant leurs coups de dents sur le tic-tac exact

De l’horloge de chêne ;


Quand leur bru s’en venait, le dimanche, les voir,

L’un disait, à voix haute, pesante et lente,
Ce que l’autre devait savoir
Pour les achats et pour les ventes,
Et l’accord se faisait, sur la somme, sans plus.
— Oh ! qu’ils étaient ardents et résolus
À tordre d’un gain minime

Le plus humble centime. —


La nuit,

Dos à dos, ils s’étendaient dans leur vieux lit,
Chacun guettant l’aurore
Pour être seul à travailler
Dans le fournil ou le grenier,

Quand l’autre s’oubliait à reposer encore.


Ainsi

Leur bien grandit,
Grâce à leur âcre et morne souci
D’être, toujours, sans défaillance et sans merci,
Et de vivre, durant des mois et des années,

À mâchoire fermée.