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œuvres de émile verhaeren


Les aïeules se sont assises
Sur les roses d’un coussinet :
Les deux brides de leur bonnet
Tombent d’aplomb sur leurs mains grises.

Les veilleuses du souvenir
Brûlent au fond de leurs mémoires,
Leur menton mâche des histoires
Longues à ne jamais finir.

La plus jeune passe à la ronde
Quelques lambeaux d’un almanach ;
Entre deux prises de tabac
On discute la fin du monde.

On reparle de morts fauchés
Depuis quels temps ! — Dieu s’en souvienne :
« C’était quand l’école gardienne
S’ouvrait encor, au vieux marché. »

On dit ses deuils et ses misères ;
On se chamaille et c’est à qui
Traîne le plus dolent ennui
Vers les plus noirs anniversaires.