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œuvres de émile verhaeren


Leurs dix enfants furent leur faix.
Il en est mort : Dieu les accueille ;
Quand la forêt perd de ses feuilles
Le sol s’engraisse et c’est bien fait.

Jadis leur hutte en bois de hêtre
Était grande comme la main,
Mais aujourd’hui c’est trois fenêtres
Qu’ils alignent sur le chemin.

Et les voici, usés et blêmes
Au bout des ans et de leur sort,
Peureux des gens, peureux d’eux-mêmes,
Et supputant entre eux leur mort.

Chacun vivant de sa panique,
Chacun voulant pour soi tout seul
— Fût-ce un seul jour — la somme unique,
Avant la nuit et le linceul.

Mais leurs enfants sont là qui veillent,
Les yeux aigus à l’horizon ;
Et quand parfois dans la maison
Un feu de chandelle s’éveille,