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Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/231

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les plaines


Les angoisses d’avoir laissé
Sans nul gardien, pendant une heure,
Les sous, pièce à pièce amassés
Depuis trente ans, dans leur demeure.

Ils se hâtent, gagnent leur seuil,
Fouillent le fond de leur paillasse,
Comptent l’avoir à voix très basse,
Serrés de peur, tremblants d’orgueil.

Les doigts aigus, les mains hagardes,
Les yeux illuminés par l’or,
Et fixement ne se regardent
Qu’après l’avoir compté encor.

Le temps est loin, qu’aux jours propices
Ils s’unirent sans rien de rien,
Mais ils ont fait de rien leur bien
Et de leur bien leur avarice.

Ils ont peiné bon an, mal an,
Tordant un gain rudimentaire
De leurs luttes, à coups d’ahan,
Contre les forces de la terre.