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Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/263

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les plaines


On court au loin quérir de l’eau ;

On se bouscule sur les routes ;
Et l’eau s’écoule et s’enfuit toute,
Quand on revient avec les seaux.

Alors,
Au vent qui tord, au vent qui mord,
Le feu libre et vainqueur se gonfle et ronfle à l’aise :
Des tabliers géants de poussière enflammée
Sont secoués dans l’air et projettent au loin,
Dans chaque angle et chaque coin,
Des fleurs de braise.
Le foyer se soulage en torrents de fumée.
L’aile rapide et le cou droit,
De tous côtés les pigeons fuient ;
Autour des nids de leurs petits
Grincent, avec des cris d’effroi,
Les pies ;
Au fond de leurs pacages gras,
Les bœufs tassent leur peur et se reculent ;
Debout, sur les meules, là-bas,
Des hommes rouges gesticulent ;
Et les lueurs, et les éclats et les reflets,
Qui dans le soir tombant sur les plaines voyagent,
Illuminent le sombre et violent visage

De la tragique et lointaine forêt.