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œuvres de émile verhaeren
Il dévorait en même temps

Tripes, boudins, lards, groins, pattes, oreilles ;
Le voir bâfrer était une merveille :
Sa femme eut son dernier enfant

Quand Nest Calix eut soixante ans.


Mais le sonneur se tait, préférant boire

Que de parler de ceux qui ne sont plus
Vivants que dans son cœur et dans leur gloire ;
D’autant que, lentement, d’un geste irrésolu,
Le fils du ferblantier se lève et tousse et chante.
Oh ! sa voix rauque et lourde et trébuchante !
D’un ton pleurard et faux, il raconte comment
Une fille d’Alost tua ses deux amants
Et la féroce et sanglante complainte
Traîne, cahin-caha, jusqu’au moment
Où, d’un trop gauche mouvement,

Il renverse sa pinte.


Le forgeron sentant son appétit

Qui peu à peu s’émousse et s’alentit,
S’interrompt de manger et applaudit quand même.
D’autres rient du poème,
Mais se poussent pour voir entrer en vacillant

Un plat monstrueux d’aulx et de cervelas blancs.