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œuvres de émile verhaeren
Tous l’admirent. Il mange avec ferveur.

On dirait que le lard coule jusqu’à son cœur ;
Les dents nettes, fortes et blanches,
Mordent, sans se lasser, l’ampleur ronde des tranches ;
Il mange et mange, avec un tel amour
Qu’il mangerait durant trois jours
Sans parvenir à satisfaire

Sa goinfrerie obstinément autoritaire.


L’exploit du haut sonneur met fin

À cette fête énorme et rouge de la faim.
Minuit résonne à coups d’airain dans l’ombre ;
Seul, le ferblantier, vidant un dernier broc,
De tous les brocs vidés augmente encor le nombre ;
Chacun s’en va, ayant bu fort, ayant bu trop.
Sixtus, veilleur de nuit, aux carrefours écoute
De grands pas inégaux heurter, au loin, les routes ;
Tandis qu’au bout de ton bâton,
Sous l’enseigne des « Cent Frelons »,
Tu ballottes, comme affolée,

Pauvre vessie étrange et dégonflée.