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DOM BALTHAZAR

Mon fils…Toute la nuit je me suis épuisé,
Violemment, à l’endiguer, à le briser ;
Je ne l’ai pu. Comme des flots sauvages
Il jaillissait vers moi avec toute sa rage…
Mes yeux n’étaient pas assez grands
Pour regarder couler la vie et tout le sang
Sur la poitrine inerte
De mon père. La blessure semblait ouverte
Plus largement qu’au moment de sa mort,
Et fermentait, et grandissait encor
À mesure que mes yeux fous la regardaient
Couler, couler toujours, couler sans trêve.

LE PRIEUR

Un rêve !

DOM BALTHAZAR

C’était du sang, du sang fumant et vrai,
J’en suis souillé et je le reconnais.
Je suis rouge de ce sang-là jusque dans l’âme ;
Il me pénètre, il me brûle, comme une flamme
Qui s’exalte en mon torse et se glisse en ma chair.