Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/38

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J’en respire l’odeur sur moi. Le vent et l’air
Et la lumière, autour de moi, sont rouges.
J’ai peur de ce qui luit soudain, de ce qui bouge.
J’ai peur de tout. Le moindre bruit
Fixe un arrêt, dans ma pensée et ma prière,
Et l’effrayant silence est un étau qui serre,
Entre ses fers muets, mon cœur pendant la nuit.

LE PRIEUR

Votre cerveau, mon fils, s’égare et s’hallucine.
Ce n’est plus Dieu, mais c’est Satan
Qui vous ravage et vous domine
Dom Balthazar, le piège qu’il vous tend,
Il le tendit jadis, aux plus fervents des moines,
À ceux des temps païens à peine exorcisés,
À ceux du désert pâle et des rocs convulsés,
Aux Paul et aux Antoine.
Votre esprit brûle et votre âme est en feu,
Vos pas hagards abandonnent nos cimes ;
Et vous ne songez pas que le plus grand des crimes
Est de douter et de désespérer de Dieu.