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HÉLÈNE


Hélas ! mon âme aussi est trouble et indécise ;
Moi, j’ai subi le mal, comme toi, tu l’as fait ;
Et néanmoins, je reste à tes côtés, assise
Et je trouve en tes pleurs, je ne sais quel attrait.
Ô ces flux et reflux de maux qui nous submergent,
Ô l’air de ces temps noirs brûlant comme un venin !
Oh ! tout ce sang versé sous tes regards de vierge
Pour qu’à leur tour, s’y habituent tes pauvres mains.
Nous venons de si loin, du fond de nos ténèbres,
L’une vers l’autre, et, lentement, nous confondons,
Nos détresses, nos cris, et nos pensées funèbres
N’osant nous dire encor que nous nous pardonnons.
Je t’ai connue enfant, chez ma sœur, ta mère,
Tes yeux tristes luisaient sous ton grand front pâli.
Un soir, que tu pleurais déjà sur tes chimères
On t’apporta chez moi pour dormir en mon lit,
Je pris tes mains, je caressai ta chevelure,
Et tu t’es endormie en écoutant ma voix,
Comme un beau fruit d’été, sous la ramure obscure.


(Depuis quelques instant, Hélène,