Page:Verhaeren - James Ensor, 1908.djvu/175

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marque chez les artistes doués comme lui l’entrée triomphale dans la quarantaine.

Est ce la veule et torpide province, la solitude trop complète, l’éloignement trop prolongé ou la critique injuste qui ont amené cet alentissement ? Quelle brisure intérieure a lézardé une muraille déjà si haute ?

Ou bien les ennuis quotidiens et domestiques, les tracas mesquins et rongeants le condamnèrent-ils quelque temps au silence ?

L’explication nette et unique se dissimule sous l’amas des conjectures. Peut être un jour jaillira-t-elle simple et probante. En attendant, je ne crois pas errer en affirmant que c’est dans le caractère du peintre et non pas en son art lui-même qu’il la faut chercher. Les rares dernières œuvres qui n’ont point encore quitté son atelier affirment que son œil est autant que jamais subtil, vivant et frais et que peut-être un dernier rajeunissement est à la veille d’éclore. Mais quel que soit l’avenir, l’œuvre telle qu’elle est, avec sa série de toiles depuis longtemps victorieuses, n’est indigne d’aucune des louanges que nous lui avons, au cours de ces pages, prodiguées.