Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/18

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La ville tend son cœur vers ces troupes en marche,
Son cœur fougueux, son cœur profond,
Et les gares, de loin en loin, ouvrant leurs arches,
Engouffrent lentement au creux de leurs wagons
Le remuement tassé de ces cent escadrons.

Et tout à coup se dirigeant vers la Vistule
Du fond des Ourals blancs et des Caucases bleus,
L’innombrable Russie en bataillons houleux
Se précipite et s’accumule ;
L’ordre s’y fait — et les chevaux et les soldats
Frappent si fort le sol des marteaux de leurs pas
Qu’on dirait qu’avec eux marche en avant la terre.

Les mêmes pas autoritaires
Sonnent dans la Hongrie et dans l’Autriche et font
Trembler Vienne et Buda sous leur rythme profond,
Tandis qu’au Nord on les écoute
Ébranler Bruge, Anvers, Liège, Bruxelle et Gan
Et comme emplir de leur tenace battement
L’immensité des routes.