Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/79

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Frappait, perçait ou se heurtait en un orage
De gestes violents et terribles ; la rage
Sautait des cœurs gonflés et giclait jusqu’aux yeux ;
Des hommes se mordaient en luttant deux par deux ;
Sur les fumiers tassés de la cour déjà rouge,
Un gamin de quinze ans avait saisi la vouge
Et combattait avec cette arme, atrocement.
Le flux de la fureur montait à tout moment.
L’ivresse de tuer et d’achever sa proie
Gonflait chacun d’une âpre et formidable joie
Et les rires sonnaient pendant l’égorgement.

Jusqu’au tomber du jour se balança la lutte,
Tantôt vers la montée et tantôt vers la chute :
On ne savait vers où la maintiendrait le sort,
Quand tout à coup, dressant sa géante poitrine
Entre deux pans encor debout de la ruine,
Le vieux fermier des marais d’or
Avec toute sa voix cria : « Voici les morts ! »
Et comme s’il poussait en avant une armée
De soldats pour la gloire et l’honneur enflammée,