Page:Verhaeren - Les Blés mouvants, 1912.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



BENOIT

Je n’ai qu’un seul secret et n’en eus jamais d’autre,
J’aime mon champ vivant et clair
Plus que mes os, plus que ma chair :
En mai, lorsque le grain perce le sol plus ferme,
C’est à travers mon corps qu’il me semble qu’il germe ;
Je vais, jour après jour, contempler mes épis ;
J’entends pousser leur tige au soleil de midi ;
L’odeur s’épand de mes luzernes remuées ;
Le ciel intact se courbe et luit sous les nuées ;
Un flux de sang plus fort parcourt mon être entier ;
Mon pas fait retentir le sonore sentier,
Si je ne danse pas, c’est de peur qu’on ne dise
Qu’une brusque folie emplit ma tête grise.


JACOB

Ah ! si chacun de nous prenait à votre ardeur
Ce qu’il lui faut de zèle et de vaillance au cœur