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LE JARDINIER

Si nous n’étions amis, peut-être aurais-je crainte.


LE BERGER

Je ne suis ni le mal, ni la peur, ni l’effroi,
Pour tout homme qui croit à mon pouvoir sans feinte ;
Je me sens fort, surtout quand, la nuit des beaux mois,
Je circule entouré de présages insignes,
Et que tout feu tournant au ciel me semble un signe
Que l’avenir me fait, et qu’il ne fait qu’à moi.
Mon cœur s’enfièvre et bat, mon âme est dans l’attente,
Et c’est alors que les herbes et que les plantes
Aux lisières des bois me disent leur vertu,
Et que près d’un tilleul ou d’un charme tortu,
Je fais vers les hameaux les gestes qui conviennent,
Et dont seuls les grands yeux des astres se souviennent.