Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

De rage et de fureur tendus vers les poussées
Formidables et, tout là-haut, parmi les monts,
La gueule ouverte et la terreur de ses canons.

Un ordre ! Et désormais, — lui seul — il est la foule.
Il la projette, il la refoule,
Il est son âme énorme et violente, il vient
Et passe, il la soulève ou la contient
Au geste lent de sa main large.
Soudain résonne au loin le galop fou des charges :
Clairons brandis, casques en feu, chevaux hagards,
Gestes crispés autour des mâts des étendards,
Clameurs passant, ainsi que des volées,
Chocs assourdis, profonds et réguliers,
Et tout à coup, l’arrêt dans les gosiers
Des cris — et les étouffements de la mêlée.

Il regarde : ses yeux brillent, son torse bat.
Son plan, il l’improvise en plein combat,
Déjà, certaine et précisée
La victoire se définit dans sa pensée ;
L’ennemi même est entraîné dans le remous
De ses desseins brusques et fous,
Les feux tonnent, la plaine est foudre et fumée,