Page:Verhaeren - Les Plaines, 1911.djvu/181

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Autour des clos muets et des étables sourdes,
Que se continuera, interminablement,
Dans la torpeur humide et la chaude indolence,
Toujours cet éternel mâchonnement,
À dents longues, dans le silence.

Seule, avant l’aube ou vers la nuit,
La servante qui trait arrivera bourrue,
Avec ses pieds massifs et ses larges mains crues
Et ses baquets de fer entrechoquant leur bruit,
Bousculer tout à coup ce repos moite et flasque ;
Elle entrera avec la pluie et la bourrasque,
Mouillant sa croupe énorme et ses gros cheveux roux,
Et sous le bétail gourd, qui surgira debout,
Comme des blocs de chair du fond de l’ombre terne,
S’accroupira sur l’escabeau carré,
Et longuement, entre ses doigts serrés,
Étirera les pis brusquement éclairés
À la lueur de sa lanterne.

Et quand, ses seaux pendus à ses deux bras,
Avec son lait fumant et gras,
Elle aura regagné à la hâte les caves,