Page:Verhaeren - Les Plaines, 1911.djvu/199

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L’été, les bateaux lourds qui trouaient les lointains
Vibraient moins de leurs mâts où flottaient des emblèmes,
Que mon cœur exalté ne vibrait en moi-même
Pour quelque lutte intense et quelque grand destin.

Les mobiles brouillards et les volants nuages,
De leurs gestes puissants m’ont ainsi baptisé,
Et mon corps tout entier s’est comme organisé
Pour vivre ardent, sous leur tumulte et leurs orages.

Ô vous, les pays d’or et de douce splendeur !
Si vos bois, vos vallons, vos plaines et vos grèves
Tentent parfois encor mes désirs et mes rêves,
C’est la Flandre pourtant qui retient tout mon cœur.

L’amour dont j’ai brûlé fut conçu pour ses femmes ;
Son ciel hostile et violent m’a seul doté
De sourde résistance et d’âpre volonté
Et du rugueux orgueil dont est faite mon âme.