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Le temps,
Le temps trompeur est, à leurs yeux,
Celui qui guide et tient la main de Dieu,
Là-haut, on ne sait où, dans les nuées,
Et qui lui fait répandre, au loin,
La pluie ou le soleil dont a besoin
La plaine immensément exténuée.

Les vieux fermiers parlent du temps
Comme d’un angoissant mystère
Qu’ils ont surpris, depuis longtemps,
Dans leurs ruses avec la terre ;
Leurs souvenirs, durs et tassés,
Serrent en eux tous les printemps passés,
Et les hivers monumentaux de glace,
Lorsque le froid dallait l’espace
D’un grand chemin compact et blanc,
Emprisonnant les eaux et rejoignant les landes,
Jusqu’en Hollande.

Ils n’écoutent jamais que les pêcheurs d’Escaut
Qui, mieux qu’eux tous encor, surprennent
À la couleur des loins, aux mouvements de l’eau,