Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/38

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Et j’ai forcé Cerbère et ses têtes en feu
À lever les regards vers l’azur nu des Dieux. »

Soudain un bref sursaut de feux rampants et blêmes
Jaillit du bois tassé sous les pieds du héros
                  Et le brûla jusqu’en ses os,
         Mais Hercule chantait quand même :
         « Je sens mes bras, mes mains, mes doigts,
         Mon dos compact, mon col musclé
                       Encor peuplés
         Du rythme fou de mes exploits.
Au long des ans nombreux, ma force inassouvie
A si bien dévoré et absorbé la vie
Qu’à cette heure de feu je suis tout ce qui est :
Et l’orage des monts et le vent des forêts
Et le rugissement des bêtes dans les plaines.
J’ai versé dans mon cœur les passions humaines
Comme autant de torrents aux souterrains remous.
Joie et deuil, maux et biens, je vous ai connus tous.
Iole et Mégara, Déjanire et Omphale,
Mon martyre a fleuri sur vos chairs triomphales,