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Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/19

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As-tu senti mon ombre, sur ta tombe,
L’été dernier, lorsque j’y suis passé ?
Sais-tu que les colombes
De l’hôpital ont traversé
La plaine et se sont rencontrées
Pour faire un nid nouveau, au bout de la contrée ?


Je ne sais plus, hélas ! que vaguement
Comment étaient tes yeux charmants
Et ton tranquille et fin sourire.
Mais ce que j’aime à doucement te dire
C’est combien je t’aimais,
Non seulement, pendant que je jouais
Avec ton arc et ta toupie,
Mais vers le soir, quand seul j’étais tapi,
Entre mes draps et que je m’endormais.
Je me souviens t’avoir alors
Si doucement serrée et embrassée,
Avec les bras et les lèvres de ma pensée
Que j’en frissonne encor :
La lampe était ton front et l’édredon ton corps
Et le coussin ta joue
Et cet amour premier se noue
Aux guirlandes les plus belles de ma mémoire.

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