Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/44

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Oh ! ces vieux objets usés et seuls, en leurs recoins !
Oh ! ces tristes et relégués témoins
Du temps qu’avaient rempli les miens de leur pensée !
Aux serrures grinçantes et cassées
Je surprenais la trace de leurs doigts ;
Aux vêtements raidis de séculaire empois,
Je découvrais les plis qu’avaient laissés leurs gestes ;
Mes mains en palpaient les contours,
Mon souvenir s’y ravivait, magique et preste,
Et je ressuscitais les anciens jours
Pleins de détresse, ou pleins de charme,
Avec un cœur d’autant plus lourd
Que mes deux yeux d’enfant avaient besoin de larmes.


Je m’attardais aux reliques d’orgueil,
Aux plumets d’or, aux insignes de guerre,
Aux sabres clairs encor des frissons de naguère,
Trop lourds, hélas ! pour moi,
Mais que je suspendais, avec émoi,
Aux bras massifs des grands fauteuils,
J’aimais les satins fiers, les étoffes meurtries
Où de sanglantes broderies
Chatoyaient

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