Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/9

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Brillait et l’on disait le chapelet
Et des prières à n’en plus finir !


Je me souviens du vieux cheval
De la vieille guimbarde aux couleurs fades,
De ma petite amie et du rival
Dont mes deux poings mâtaient la fièvre et les bravades
Je me souviens du passeur d’eau et du maçon,
De la cloche dont j’ai gardé mémoire entière,
Et dont j’entends encore le son ;
Je me souviens du cimetière


Mes simples vieux parents, ma bonne tante !
Oh les herbes de leur tombeau
Que je voudrais mordre et manger ! —
C’était si doux la vie en abrégé !
C’était si jeune et beau
La vie, avec sa joie et son attente !


J’appris alors quel pays fier était la Flandre !
Et quels hommes, jadis, avaient fixé son sort,
En ces jours de bûchers et de flamme, où la cendre
Que dispersait le vent était celle des morts.