Page:Verhaeren - Les Villes à pignons, 1910.djvu/119

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Le monument, avec son large toit
Et ses anciens pignons, s’assoit
Au bout de la grand’rue.
Le van des siècles dissémina sa nuit,
En poussière noire, autour de lui.
Angles, bosses, plaques, verrues,
Font leur saillie à sa façade ;
Il est d’un bloc — et sa largeur est perforée,
De part en part, de fenêtres carrées
Qui regardent la cour symétrique et maussade.
Et c’est là qu’ils végètent, les vieux,
Autour de grands poëles de fonte.
L’hiver est froid, le vent hargneux,
Oh ! que de fois, les soirs, ils font le compte
De leurs malheurs, de leurs chagrins,
À sourde voix, à lentes mains,
Devant les autres vieux, qui n’écoutent plus guère.
Il en est qui s’en furent en guerre,
Si loin, que les astres de leur bruyère
N’éclairaient plus ces pays de là-bas ;
Ils en sont revenus, minés et las,
Heureux du maigre emploi que leur offrait la ville ;
D’autres survivent seuls à leur famille ;
D’autres songent à leur enfant,