Page:Verhaeren - Les Villes à pignons, 1910.djvu/51

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Son aïeul Nol engloutissait dans sa bedaine,
Trois porcs entiers, au bout d’une semaine ;
Jan Klaverdonk, toujours creux et dispos,
Ayant autour de lui rangé trente chopines,
Expédiait quatre jambons de la Campine
En les rongeant jusques à l’os ;
Son père à lui, Nestus Calix, marchand de pommes,
Eût avalé, pour son repas, Anvers et Rome ;
Il dévorait en même temps,
Tripes, boudins, lards, groins, pattes, oreilles ;
Le voir bafrer était une merveille :
Sa femme eut son dernier enfant
Quand Nest Calix eut soixante ans.

Mais le sonneur se tait, préférant boire,
Que de parler de ceux qui ne sont plus
Vivants que dans son cœur et dans leur gloire ;
D’autant que, lentement, d’un geste irrésolu,
Le fils du ferblantier se lève et tousse et chante.
Oh sa voix rauque et lourde et trébuchante !
D’un ton pleurard et faux, il raconte comment
Une fille d’Alost tua ses deux amants
Et la féroce et sanglante complainte