Page:Verhaeren - Les Villes à pignons, 1910.djvu/90

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Les ans tombent par avalanche
Et les jours sont les mêmes jours, toujours,
Sauf le dimanche,
Quand les femmes s’assoient en rond,
L’après-midi, autour des tables basses,
Et que, chauffant, chacune en son giron,
La large tasse
De café noir, qu’un flot de lait fait blond,
Elles s’entrexcitent aux commérages,
À gestes durs, à large bruit,
Si bien que leurs langues font rage
Le soir durant, jusqu’à la nuit.

Et les hommes s’en vont fumer des pipes rouges,
Là-bas, au loin, près du rempart,
Où l’on boit ferme, où l’on boit tard,
Au fond des bouges ;
Puis reviennent, manquant le pas
Et fluctuant sous des houles de bières,
Avec, pour compagnon, le maigre espoir
Que leurs femmes ne voudront pas,
Trop nettement, s’apercevoir
De ce roulis hebdomadaire.