Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/25

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Partir les bras tendus vers n’importe où,
Jeter son âme aux orages qui passent,
Sous la croix d’or des éclairs fous
Qui balafrent l’espace.

Aimer le sort, jusqu’en ses rages,
Avoir la foi toute en soi-même,
Fût on l’épave, où se démène
La haine en rut des vieux naufrages.

Et si tout sombre et si tout casse enfin,
Rester celui de la lutte obstinée,
Pauvre et vaincu, mais la tête acharnée
Quand même — et claire encor de l’effort vain.

La joie ? — Elle est au loin et qu’elle y reste
Et son pâle reflet et sa timide fête ;
La joie à tout jamais dépossédée,
Par la banale idée
Que les hommes s’en sont faite.