Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


La nuit est colossale et géante de bruit ;
Une électrique ardeur brûle dans l’atmosphère ;
Les cœurs sont à prendre ; l’âme se serre,
En une angoisse énorme, et se délivre en cris :
On sent qu’un même instant est maître
D’épanouir ou d’écraser ce qui va naître.

Le peuple est à celui que le destin
Dota d’assez puissantes mains
Pour manœuvrer la foudre et les tonnerres
Et dévoiler, parmi tant de lueurs contraires,
L’astre nouveau que chaque ère nouvelle
Choisit pour aimanter la vie universelle.

Oh dis, sens tu qu’elle est belle et profonde
Mon cœur,
Cette heure
Qui crie et frappe au cœur du monde ?

Que t’importent et les vieilles sagesses
Et les soleils couchants des dogmes dans la mer ;
Voici l’heure qui bout de sang et de jeunesse,
Voici la formidable et merveilleuse ivresse
D’un vin si fou que rien n’y semble amer.
Un vaste espoir, venu de l’inconnu, déplace