Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/49

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Où leurs ombres courraient, dansaient, volaient,
Dans le décor
Funèbre et merveilleux des antres noirs.
Au jour levant, la caverne semblait un bouge,
Mais les brasiers, soudainement, les soirs,
Y soulevaient de gigantesques ailes
Qui s’en allaient
— Plumes et étincelles —
Battre, de haut en bas, les parois rouges.

Jadis, Vénus ardente et pâle,
Sachant qu’un jardin d’or s’y fleurissait de sang,
Y recueillit, au cœur des feux, l’amour resplendissant
Et les braises des passions fatales.
Elle s’y penchait, au dessus de la flamme,
Elle y chauffait ses seins cruels et ses yeux clairs
Et condensait, au tréfonds de sa chair,
L’inextinguible ardeur qui fait hurler les âmes.
Les villages s’en souviennent : c’était l’hiver ;
Le gel compact avait durci les berges,
Le sol sonnait de froid, l’arbre dressait, dans l’air,
Ses branchages, comme des verges ;
Des lueurs d’or couraient au ras des neiges…
On avait vu Vénus et son cortège
Passer, brûlante et nue, à travers la campagne,
Les hommes fous crier d’amour vers leurs compagnes,