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De remède qui tout à coup lui vienne en aide.

Voici deux plantes rares
La terre en est avare ;
Il faut les prendre, en même temps,
Homme et femme, elle et lui, lorsque le soir s’étend

Comme un tablier d’or, sur la bruyère chaude. »

 

Ils les prirent en se tenant les mains.

Puis il s’en fut, par les chemins,

Le dos fuyant, comme en maraude.


Il attendit. Le filtre était puissant.

Armenz sentit l’angoisse arder son sang ;
Du fond de l’être, il écoutait monter
Vers son vouloir violenté,
Le sourd travail de l’effrayant breuvage.
Les chiens jappants, les boucs lascifs, les loups sauvages
Mordaient son rêve ; il pantelait.
Il se voyait roulé, comme un galet,
Dans un vent fou, dans un tourbillon rouge ;
Le soir, il s’attardait à boire, au fond des bouges,
Et revenait chez lui, la nuit,
Les yeux luisants, les poings farouches,

Les jurons roux incendiant sa bouche.


Sa femme, avec terreur, le regardait souffrir,

Impuissante, ne sachant point que faire

Pour reployer les houx dardés de sa colère.