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Nul des voisins n’osait le secourir.

Une constante et terrible malévolence
Semblait frôler la ferme, et l’effrayant silence

La surplombait, quand l’homme était parti.


L’été passa, l’automne, à son tour, s’engloutit,

Et la sorcière, au fond des brumes,
Patiemment, guidait toujours,
À travers nuits, à travers jours,

Le vol obscur de son amour vers la ruine.


« Oh la canaille ! oh la damnée !
Avec son âme empoisonnée ! »


Ce fut la fin, pourtant, un soir d’hiver.

Une lune de fiel aspergeait l’air
De sa lumière verte ;
La sorcière guettait, la porte ouverte,
Le pauvre fou qu’elle embrasait, là-bas.
Enfin, à grande voix, elle appela
Ce désespoir errant et violent vers elle.
Et l’homme alors bondit — et leurs rages rebelles
Se mêlèrent, soudain, dans de telles fureurs,
Que les bêtes d’Escaut en hurlèrent de peur,

La nuit, sous l’œil dardé des étoiles mauvaises.


Nœud d’épines, buissons de clous, pointes et braises !
Toute la haine et tout l’amour mêlés