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les flamandes


Les servantes et les valets quittant le deuil
Et les quatre porteurs du colossal cercueil
Et le fossoyeur borgne et les enfants de messe
Sont conviés, avant tout autre, à la Kermesse.

Puis les parents les plus proches et les cousins,
Ceux qui furent les vieux amis et les voisins ;
Et tels qui sont gaillards et savoureux de derme
Sont invités dûment parce qu’ils sablent ferme.

Et depuis l’aube on trinque, à grands brocs étamés.
Dans la salle la plus large, volets fermés,
Portes closes, tandis que Juin gerce de rides,
Dehors, les champs ardents et les polders torrides.

La fête étant vouée uniquement au mort,
On boit sans bruit, on boit sans cris, si l’on boit fort ;
Et l’ivresse plombant les fronts de somnolence,
Bientôt l’on boit et l’on se soûle en plein silence.

Ils sont là, tous, face à face, vagues et lourds,
Les mains moites, les doigts gauches, les regards gourds,
Les pieds allongés droits sous la table de chêne,
Et seul, le hoquet gras debonde leur bedaine.