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poèmes


Le fossoyeur éructe et croit du fond d’un trou
Lancer, d’un han profond, un bloc de terreau mou ;
Le jeune enfant de messe avec des mains térettes
Lampe d’un coup son broc, ainsi que les burettes.

Les gros porteurs assis côte à côte, le dos
Bien que fruste et géant ployé sous des fardeaux
D’ivresse et de sommeil, rêvent que leurs épaules
Jonglent avec des morts au fond de nécropoles.

Un cousin pleure, ainsi qu’un toit que pluie et vent
Râflent d’automne, et tout son corps est comme un van
Sonnant et sanglotant que la douleur secoue,
Jusqu’à faire égoutter les larmes de sa joue.

Seuls d’entre tous, les fils ne semblent point navrés :
Ils ont les goussets lourds et les orgueils lustrés,
Ils sont comme des coqs debout sur l’héritage,
Et c’est à coups de becs qu’ils feront le partage.

Ils se sentent déjà maîtres du bourg et ceux
Dont on craindra le geste, et le signe des yeux :
Aussi, pour affirmer leur droit indubitable,
L’un d’eux met un tas d’or comme un poing sur la table.