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les flamandes

Les gouges dans leur gloire ardente se promènent,
Ah ! celles-là, du moins, ont bien fait de mourir
Avant que les laideurs et les maux se déchaînent
Sur leur être superbe et trop beau pour souffrir.
Mais d’autres que voilà, toutes celles que l’âge
Courbe, casse, salit, ruine et rabougrit,
Qui subissent, l’échine en deux, le vasselage
Du cerveau qui s’ébête et du cœur qui pourrit,
Qui ne veulent crever, quoique jaunes, flétries,
Qui s’accrochent au monde et se sèchent d’aigreur,
Bien que les temps soient là des voluptés taries,
Sont celles que je hais, celles qui font horreur !
Ah chair de vieilles, chair veule, rèche, moisie,
Mauvaise chair, tout au plus bonne pour les vers,
Pourquoi ne pas, avant la sinistre étisie,
Purger de tes humeurs séniles les champs verts,
De ta lèpre l’air frais et de ta jalousie
Les beaux soirs, le soleil et les chemins d’amour ?
Chair puante, pourquoi salir de toi la terre,
Et qu’avons-nous besoin de ta hideur ? — Le jour !
Vois donc comme il jaillit flamboyant d’un cratère
D’aube, comme il émaille en bleu les cieux ardents,
Comme il rosit au front l’enfance et la jeunesse !
Pour vous, vieilles, le jour, c’est le masque sans dents,