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les moines

D’autres viennent, tenant de sveltes armoiries,
Des tortils monacaux et blancs, où le burin
Tailla sur fond d’azur des mitres crénelées ;
D’autres, devant leurs pas égaux sèment des fleurs ;
D’autres, les pieds battus de traînes déferlées,
Les yeux auréolés de prière et de pleurs,
Passent, symbolisant les lentes litanies,
Avec des cartels d’or et des emblèmes bleus.
Et tel, ce défilé, coulant ses symphonies
Et sa mobilité de couleurs et de feux,
Parmi le déploiement des ruts et des ripailles,
Attire l’œil des grands moines enluminés
Qui, par-dessus les plats des lourdes victuailles,
Penchent leur face énorme et leurs sens tisonnés.

Aux coupes, aux hanaps, les échansons encore
Versent les vins de France et les cidres normands.
Il flambe des parfums aux éclairs de phosphore
Dans les ventres ouverts des cratères fumants.
Les vents passent, tordant leurs feux en chevelures,
Et s’imprègnent d’encens et l’épandent au loin
Et le roulent parmi les flux des moissons mûres
Et la marée en fleur de l’avoine et du foin,
Tandis qu’arrive, rouge, à travers champs, la houle