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poèmes

Triomphale et levée ira claquante au vent,
Quel symbole mourra de mort rouge, quel monde
Tiendra sous sa lourdeur l’autre monde écrasé
Quand par-dessus les flots de la tuerie immonde,
Vêtu d’un long manteau d’argent fleurdelysé,
Surgit, debout, l’archange, avec sa cour de gloires,
Avec ses cheveux fiers, avec son pied dompteur,
Avec ses doigts dorés, d’où tombent les victoires.
Et l’Asie est conquise au Christ inspirateur.

À droite, un lent cortège altier de filles belles,
Vierges superbement, les cheveux en camail
Sur l’épaule, le corps orné de brocatelles,
La ceinture bouclée avec fermoirs d’émail,
Lentes, et sur un pas de rythme ancien, procède.
Elles ne font qu’aller, que venir, que passer.
L’horizontal soleil, tout en splendeur, obsède
De ses glissants rayons leur front, et vient baiser
Les bijoux solennels qui pavoisent leurs tempes
Et leur col frais et nu jusqu’au vallon des seins.
Les premières s’en vont en rang, levant les hampes
De l’oriflamme et des drapeaux diocésains,
Le front caché suivant le vol des broderies,
Les doigts cerclés d’argent et les poignets d’airain.