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poèmes

Ils sont, mes grands rideaux, couleur de cieux,
Un firmament silencieux
De signes fous et de haines ramaires.

À quoi riment leurs traînes et leurs laines ?
Mon âme est une proie
Avec du sang et de grands trous
Pour les bêtes d’or et de soie ;
Mon âme, elle est béante et pantelante,
Elle n’est que loques et déchirures
Où ces bêtes, à coupables armures
D’ailes en flamme et de rostres ouverts,
Mordent leur faim par au travers.

À quoi riment les tissus et les laines
Pour y rouler encor mes peines ?

Les jours des douleurs consolées,
Avec des mains auréolées,
Et la pitié comme témoin,
Ces jours de temps lointains, comme ils sont loin !

Mon âme est désormais : celle qui s’aime,
À cause de sa douleur même,
Qui s’aime en ces lambeaux