Aller au contenu

Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

JEUX D’ENFANTS


I


Je me promenais rêveur à travers les champs pelés et blafards de l’extrême banlieue parisienne, lorsque mon attention fut attirée par des voix d’enfants chantant un air autrefois entendu, me semblait-il, et qui me remplit soudain de tristesse, d’inquiétude et presque d’angoisse. Je marchai dans la direction des voix, et ce que je vis, je ne veux pas le dire avant d’avoir prévenu le lecteur que je ne fais pas assez de cas de la vérité pour jamais me donner la fatigue de l’altérer ou même de l’inventer. Mes amis et mes connaissances peuvent au besoin me rendre ce témoignage.

Or, c’étaient des enfants de cinq à dix ans qui jouaient à « l’enterrement », un jeu comme un autre, après tout. L’un représentant le mort, couché par terre, la tête recouverte d’un mouchoir, ses bras en croix sur sa poitrine, ses jambes allongées et ses pieds joints, le tout remuant le moins possible, ne parodiait pas trop mal un petit cadavre. Autour