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Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/271

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mémoires d’un veuf


Un poète ! — Et comme les temps où nous vivons le sont pas propices aux personnes qui s’occupent un peu sérieusement de versification, est-ce que tout à coup je ne me vis point, moi, vieilli, dans une bière de cent sous, bouche ouverte, poings crispes, — crispés ? — entortillé à la diable d’un linceul trop étroit laissant passer les pieds maigres, et, les cahots du corbillard me secouant terriblement, mes dents s’entrechoquant, ma tête bat les voliges de çà de là, mes cheveux gris s’emmêlent sur mon front jaune et de ma poitrine s’échappe une manière de gémissement sourd. Et personne derrière le corbillard. Et quelque passant surpris se demande. « Qu’est-ce que ce mort… ? »

Tel vaguait mon esprit, quand machinalement je me retournai pour voir une fois dernière le corbillard, qui était maintenant au milieu de la rue Fontaine, allant toujours son train d’enfer et toujours sans personne derrière. Sur son passage, les femmes et les enfants se signaient au galop aussi.

Les hommes se découvraient…

Je me souviens seulement alors que, soit par suite de mon trouble inaccoutumé, soit par l’incorrigible et naïf mépris de la pauvreté qui m’est particulier, j’avais complètement négligé de saluer ce corbillard qui m’avait suggéré des réflexions si mélancoliques, si pittoresques, et si prophétiques probablement.