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mémoires d’un veuf

mour sans tendresse, violent dans ses sens, tentant au possible. Il est clair que la vie les a pris, les rend et les quittera heureux, bien portants, beaux et riches de leur rouge bohème étincelante.

Pierrot est leur ami vaguement serviteur. Lui aussi est heureux, n’ayant pas d’envie et mangeant de tout, buvant de tout, poltron mais prudent, libidineux mais extérieurement continent. Ah ! ses jouissances à lui, des farces qu’il leur fait dures parfois et corrigées d’un coup de pied pointu, d’un soufflet armé de bagues ! N’importe, il a joui, ri, souri. Et puis nul souci. Eux encore doivent ruser parfois pour la victoire sur l’existence. Lui vit dans leur sillon comme un poisson dans l’eau. Nul remords, nul regret de rien de rien. C’est le Sage et c’est le Fou, c’est l’Enfant gâté de la Lune ! Languide amoureux du Soleil, qui rêve debout, s’envole assis et souvent meurt d’un tas de bonnes morts.

Vive Pierrot !