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Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/408

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mes prisons

qu’à de la maussaderie traversée par foucades d’assez macabres ou de très particulières fantaisies et, moi, resté gamin en dépit de mes vingt-six ans sonnés, avions ce jour-là l’esprit tourné au comique lugubre, et, cabrionesques, n’allâmes-nous pas nous aviser de vouloir « épater » les quelques « bonnes têtes » de voyageurs là consommant bouillons, pains fourrés et galantines arrosés de vin d’Algérie trop cher ! Parmi les types présents se trouvait à droite, je m’en souviens encore, sur notre banquette, à peu de distance, un bonhomme presque vieux, médiocrement mis, un chapeau de paille défraîchi sur une tête plutôt à claques rasée, niaise et sournoise, suçotant un cigare d’un sou en humotant une chope à dix centimes, toussant et graillonnant, qui prêtait à notre conversation une attention encore moins bête que malveillante. Je le signalai à Rimbaud qui se mit à rire, comme ça lui arrivait souvent, à la muette, en sourdine. Ô l’affreuse apparition, qui s’évanouit soudain (comme par magie, des chaussons en voisin et notre distraction aidant, pour être de bon compte et ne verser point dans le fantastique à la mode). Nous avions causé d’assassinat, de vol, comme personnellement et dans de truculents détails, on eût dit plus encore qu’oculaires, et continuions sur le thème une fois donné, comme il arrive — quand surgirent en quelque sorte devant nous, comme poussés là