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Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/46

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les poètes maudits


S’ils sont vaincus, c’est par un ange très puissant
Qui rougit l’horizon des éclairs de son glaive.
L’orgueil fait éclater leur cœur reconnaissant.

Ils tettent la Douleur comme ils tétaient le Rêve
Et quand ils vont rhythmant leurs pleurs voluptueux
Le peuple s’agenouille et leur mère se lève.

Ceux-là sont consolés étant majestueux.
Mais ils ont sous les pieds des frères qu’on bafoue,
Dérisoires martyrs d’un hasard tortueux.

Des pleurs aussi salés rongent leur pâle joue,
Ils mangent de la cendre avec le même amour ;
Mais vulgaire ou burlesque est le sort qui les roue.

Ils pouvaient faire aussi sonner comme un tambour
La servile pitié des races à l’œil terne,
Égaux de Prométhée à qui manque un vautour !

Non. Vieux et fréquentant les déserts sans citerne,
Ils marchent sous le fouet d’un squelette rageur,
Le GUIGNON, dont le rire édenté les prosterne.

S’ils vont, il grimpe en croupe et se fait voyageur,
Puis, le torrent franchi, les plonge en une mare
Et fait un fou crotté du superbe nageur.

Grâce à lui, si l’un chante en son buccin bizarre,
Des enfants nous tordront en un rire obstiné,
Qui, soufflant dans leurs mains, singeront sa fanfare.