Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
les poètes maudits


Grâce à lui, s’ils s’en vont tenter un sein fané
Avec des fleurs par qui l’impureté s’allume,
Des limaces naîtront sur leur bouquet damné.

Et ce squelette nain coiffé d’un feutre à plume
Et botté, dont l’aisselle a pour poils de longs vers,
Est pour eux l’infini de l’humaine amertume,

Et si, rossés, ils ont provoqué le pervers,
Leur rapière en grinçant suit le rayon de lune
Qui neige en sa carcasse et qui passe au travers.

Malheureux sans l’orgueil d’une austère infortune,
Dédaigneux de venger leurs os de coups de bec,
Ils convoitent la haine et n’ont que la rancune.

Ils sont l’amusement des racleurs de rebec,
Des femmes, des enfants et de la vieille engeance
Des loqueteux dansant quand le broc est à sec.

Les poètes savants leur prêchent la vengeance,
Et ne sachant leur mal, et les voyant brisés,
Les disent impuissants et sans intelligence.

« Ils peuvent, sans quêter quelques soupirs gueusés,
« Comme un buffle se cabre aspirant la tempête,
« Savourer à présent leurs maux éternisés :

« Nous soûlerons d’encens les Forts qui tiennent tête
« Aux fauves séraphins du Mal ! Ces baladins
« N’ont pas mis d’habit rouge et veulent qu’on s’arrête