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confessions

peine d’enterrer mon pauvre papa le premier janvier ! Ce trajet funèbre à travers les festivités et la joie de ce jour si bête m’est resté dans la mémoire comme l’une des plus odieuses besognes et l’un des plus douloureux devoirs !

Joignez à cela que, la veille, j’avais eu par surcroît, à l’État-Major de la Place, une discussion des plus acharnées, au sujet du piquet d’honneur dû au grade et aux décorations de mon père. « Comme le lendemain était un grand jour de fête, on ne pouvait fournir le piquet, mais si je voulais il y aurait peut-être moyen de procurer de la garde nationale. » Là-dessus, je ne pus m’empêcher de rire en dépit de ma tristesse, — et puis je m’emballai tellement, aidé dans ma trop juste réclamation par un ancien camarade de mon père qui m’accompagnait, que j’obtins le piquet de ligne… Mais ces chinoiseries m’avaient énervé au possible et je me souviens comme d’hier de l’état d’irritation qui, grâce à tout ça, se mêlait en ce jour de foule stupidement en fête et de mien si profond deuil, à mon abattement et à ma dépression de fils au désespoir.

Car j’aimais profondément mon père qui avait été si bon pour moi. Tenez, un exemple entre mille : durant les huit ans qu’avait duré mon séjour à la pension L…, il n’avait pas manqué un seul pur de venir me voir, m’apportant chaque fois quelque douceur, jusque, dans la saison et vu que je les