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confessions

adorais dans un verre, à l’huile et au vinaigre, des haricots verts, — et les jeudis soirs il avait grand soin de donner à la cuisine pour mon repas du lendemain (on faisait maigre à la pension) une de ces côtelettes « détaillées » qui sont divines ou quelque rumpsteak qu’Albion eût envié pour sûr… Pauvre papa !

Ma cousine Elisa qui s’était mariée l’une des quelques années précédentes, dans le Nord, près de Douai, souffrait depuis quelque temps des suites d’une couche difficile et son médecin, — à qui Dieu pardonne ! — la traitait, entre autres drogues, par la morphine que l’on consommait en ces temps-là, non pas en injections sous-cutanées, mais par absorption. Ma cousine qui éprouvait un grand soulagement après chaque cuillerée, finit, comme c’est l’habitude des malades qu’on drogue ainsi, par y prendre goût et outra l’ordonnance déjà peut-être téméraire du docteur de campagne qui la soignait, — si bien, qu’un jour, à table, au dessert, comme elle chantait avec sa jolie voix, pour son mari, tout à coup elle poussa un grand cri et tomba en une syncope effrayante.

Un télégramme, immédiatement envoyé par le mari d’Elisa à ma mère, détermina celle-ci à se rendre tout de suite auprès d’elle, et je restai seul à la maison dont toutefois je devais m’absenter pour aller à mon bureau de la Préfecture de la Seine