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quinze jours en hollande

déploie gracieux et coquet sur et par les sites traversés.

Varié, si l’on veut, le cours du trajet de l’express de Creil à Saint-Quentin : un espace de campagne unie mais point désagréable, sinon à l’œil proprement, du moins à l’œil intellectuel, dirai-je plutôt social ? car il parle, cet espace presque tout en grande, en forte culture, à cette heure consistant presque en longs sillons attendant la sortie de l’hiver pour verdir et du printemps pour, la verdure, monter en paille et en épis. Peu à peu le terrain noircit, les rares arbres se tordent et se rabougrissent, tels des squelettes d’estropiés. Des usines fument, noires, et voici la brique ! La brique du nord, la brique rouge-sang s’édifiant en vastes ou mesquines constructions à destination industrielles. Dans des lointains, de hautes cheminées sombres et comme sinistres avec la lente ascension de flocons déroulés — puis s’érigeant en serpents de suie signalant la naissance des régions minières…

— « Saint-Quentin ! Vingt minutes d’arrêt ! »

Ceci prononcé par un employé vêtu du veston vert sombre à côtes que l’Anglais appelle corduroy, et en casquette plate de cuir noir ciré à visière bordée de cuivre, de la compagnie du Nord, avec l’accent gras, lent et doux et têtu des Picards (par Picards j’entends les habitants du territoire compris depuis Amiens jusqu’à Dunkerque exclusive-